C'était une nuit d'hiver Dans la Moughataa de Teyarett, connue sous le nom de Mosquée ould Mouhoud, du nom de l’imam attitré. Au début de l’année 1985.
Sur l’estrade en ciment, un jeune homme tout juste âgé de vingt ans, à la peau mate, aux cheveux longs, au visage avenant, à la barbe légère, parle un arabe irréprochable, avec une éloquence sans faille, au sujet de la Hijra, l’exode du Prophète et de ses Compagnons, de La Mecque en Abyssinie, Habesha, actuelle Ethiopie, puis vers Yehrib, qui deviendra Médine, la ville du Prophète, Paix et Salut sur Lui.
Je fus particulièrement surpris par le fait que le jeune en question n’ait pas énuméré les faits comme nous le faisions, à la manière des livres d’histoire du Prophète (la sira).
Il n’a guère cité de poèmes, ni de textes, de quelques auteurs émérites pour illustrer ses propos. Il aborda la sira en méditant la dimension sacrificielle chez Abou Bakr, évoquant le génie du Prophète et de son Compagnon, planifiant l’exode vers Yethrib, ensevelissant les traces de leur pas, pour se soustraire aux Quraychites. Il parla de la finitude de l’effort humain, mêlé de prudence et la prise en compte de l’ensemble des facteurs et moyens, dans l'attente de la promesse d’Allah et de la victoire.
La nécessité de s’inspirer de la perspective prophétique pour que les peuples s’imprègnent de l'espoir, lorsque le Prophète, Paix et Salut sur lui, promit à Sarraqata bin Malik, le guide dans le désert montagneux des confins de La Mecque, la couronne de Kisra, roi des perses.
Lors de cette réunion mémorable, enrichissante au plan spirituel et intellectuel, je fus en contact avec quelque chose de nouveau, concernant l’Islam, la biographie du Prophète, ses paroles, faits et gestes. Un nouvel esprit, une force, une ténacité, pour ouvrir la brèche vers le prêche, afin d’illuminer une société engluée dans l’obscurantisme, de l’instruire pour la soustraire à l’ignorance, à l’analphabétisme, portant l’étendard de valeurs nouvelles, de façon à bâtir le minaret de l’unicité d’Allah sur les ruines de l’idolâtrie et de l’animisme.
C’était un élégant jeune homme, qui ressemblait à ses camarades d’âge. Cependant, il s’en distinguait par son attachement à la mission que les cieux, la terre et les montagnes ont déclinée : la confiance, la foi.
A la fin de la prière, d’autres se joignirent à lui. Ils avaient le même âge, appartenait au même courant. Comme lui, ils étaient élégants, honnêtes, intelligents, alertes d’esprit, éveillés, conscients de la nécessité de sensibiliser la société pour la sortir du bourbier où elle risque de s’engluer. Il y avait là le professeur Gleiguem ould Ahmedou, Cheikhani ould Beiba, et d’autres que j’ai salués, me tenant près d’eux, à distance en raison de la différence d’âge. Etant leur cadet de quelques années, je n’eus point l’audace de prendre part à l’état des lieux des activités du Club Mous’ab ibn Oumeïr et celles de l’association culturelle et islamique.
Je rejoignis mes condisciples à la mahadra, je les interrogeais sur l’identité du jeune orateur de la soirée. Ils me répondirent qu’il s’agissait de Jamil Mansour. Je repris ma tablette et mes psalmodies. Mais, ce souvenir, cette voix, seront décisifs dans ma relation avec Jamil et ses frères d’armes.
Ce jour-là, Jamil a entrouvert pour moi une nouvelle porte pour accéder à la biographie prophétique, jusque-là insoupçonnée. Une lecture aussi avisée n’était pas accessible dans les mahadras, ni les livres usuels. Il fallait se préoccuper de la réforme de la société islamique pour parvenir à une telle clairvoyance, à une telle clair-audience. Quitte à souffrir le martyre, à consentir des sacrifices pour améliorer la société et développer le pays.
Je le rencontrais ensuite à la tribune de l’association culturelle islamique et aux séances de l’association Grenade. Je prenais part aux joutes oratoires aux côtés de Jamil et de ses camarades. Il y eut des débats d’opinion de haute volée. De divers courants de pensée, animés par des érudits de la trempe de Mohamed Salem ould Addoud, Jemal ould El Hassen, Mohamed Vadel ould Mohamed Lemine, Aboubekrine ould Ahmed et d’autres.
Notre relation se renforça. A l’époque, je n’étais pas encore conscient de l’étendue de l’action de cette jeunesse, de la part que j’y prendrai plus tard.
Un jour, au siège de l’association culturelle islamique, je demandai à Jamil la raison de la non-délivrance du passeport par les autorités, il me répondit que c’était à cause de son appartenance au mouvement des Frères Musulmans, Ikhouane El Mouslimine. A l’instant, je sus que le chemin était semé d’embûches, d’obstacles, de sacrifices. Et que le pire était à venir, dans la mesure où nous étions encore au début d’une longue route, celle de toute une vie consacrée à une juste et noble cause.
Monsieur Jamil Mansour s’est fait une place à force de discussions au sein des lycées, d’interventions aux tribunes des mosquées et des clubs culturels. Par l’abnégation, la ténacité, il a très vite devancé autant ses émules que ses devanciers, ceux qui l’ont précédé et qui se prévalaient d’une certaine prévalence, préséance.
Magnanime, il était égal face à tous, respectueux des autres, il était un véritable levier pour les adeptes de la mouvance islamiste. Il ne connaissait ni lassitude, ni ennui, macha Allah, il était toujours aux premières loges avec ses camarades, en pleine action. Il était partant pour les activités à l’université, comme en politique, ainsi que les communiqués pour les campagnes médiatiques et de sensibilisation, et ce durant trois décennies. A aucun moment, Jamil n’a pris de repos, ni de vacances.
Il a payé le prix du symbolisme, de l’emblème. Il a été privé de la participation à bien des concours. Bien des embûches se sont dressées ici et là, en dépit de son succès mérité. Il a été écarté de la mairie, où il a été élu par la population. il a fait l’objet d’une campagne de dénigrement de la part de certaines sphères concurrentes qui voient d’un mauvais œil la percée du mouvement islamiste, qui se considèrent lésées par le regain de cause et de vitalité du mouvement. Toujours égal à lui-même, Jamil est demeuré authentique, supportant avec constance des conditions matérielles difficiles tout au long de sa trajectoire, en dépit des allégations de certains qui parlent de lui sans jamais le connaître.
Moi, Mohamed Ghoulam El Hadj Cheikh, je témoigne que Mohamed Jamil Mansour est d’une moralité sans faille, d’une générosité rare, d’une modestie exceptionnelle, d’une sincérité infaillible, d’une honnêteté absolue. Je ne suis pas le seul à le connaître et à lui reconnaître tant de valeurs humaines. Je témoigne qu’il a géré avec transparence et en toute probité le parti Tawassoul et particulièrement durant les périodes de campagne électorale et l’afflux des fonds de la part des militants du Rassemblement National pour la Réforme et le Développement.
Tout au long de sa présidence des Réformistes Modérés puis de Tawassoul, Jamil a décliné toutes formes de services usuels conformément à sa fonction : ni garde de corps, ni chauffeur personnel, ni voiture de la part du parti. Sa voiture actuelle lui vient d’une autre accordée par voie de tirage au sort par l’assemblée nationale, du temps qu’il était député.
Mieux, quand il a cessé d’être député, nous lui avions demandé d’accepter un salaire conformément à ses besoins, il a demandé à recevoir 120.000 (cent vingt mille ouguiya) uniquement, à l’égal des employés à plein temps au sein du parti, qui n’ont pas d’autres activités. Et à la première crise financière, il a mis fin à son propre salaire.
Lorsqu’il était député, il était le porte-voix des victimes d’injustice, des gens lésés, des citoyens démunis. Il est clairvoyant, d’une sagacité singulière, d’une pugnacité hors pair, il était un authentique député du peuple, préoccupé par les citoyens. Il était la voix limpide, claire, des islamistes, toute de vérité et de force d’argument face à l’adversaire.
Il accorde une importance particulière à la prière, jusqu’à l’attachement spirituel, c’est un homme de cœur, un homme de Dieu, imbu d’un soufisme de bon aloi. Outre un attachement particulier pour ses parents.
Ecrivain émérite, penseur avisé, l’apport de Jamil aux divers domaines de connaissance est certain, au point qu’il constitue une fierté pour la Mauritanie, dont il est le fils, comme pour l’éveil islamique, dont i lest le produit.
Le mouvement islamiste a servi de tremplin aux nombreuses aptitudes de Jamil, comme il est le creuset spirituel des Frères, leur sacrifice et leur solidarité autour de leurs dirigeants, pour le bien général. Tout cela participe du statut du guide qui se renforce par la force accumulée des siens qui lui sont fidèles. Si bien que Jamil a poussé la locomotive, l’attelage du mouvement islamiste, vers l’éveil, la conscience éclairée des approches de notre société diversifiée.
Un article rédigé à la suite de jours de fatigue ne suffit pas à cerner tous les contours de la personne de Mohamed Jamil Mansour, mais je puis affirmer qu’il compte parmi les grands réformateurs du compte islamiste moderne. En dépit de toutes ses occupations, en politique, il demeure attaché à la lecture des ouvrages tant nationaux qu’étrangers en matière de culture, de pensée…
Qu’Allah bénisse Mohamed Jamil ould Mansour.
C’était le portrait de Mohamed Jamil ould Mansour, vu par son compagnon de route Mohamed Ghoulam ould El Hadj Cheikh.
Traduction de Med Yahya Abdel Wedoud