Une campagne commençant par la violation de la constitution et se poursuivant par la transgression de la de la loi et l’émiettement du tissu social La Mauritanie vit aujourd’hui une crise politique sans précédent ; elle se trouve dans une situation singulièrement en porte-à-faux par rapport à la Constitution, à la loi et à l'éthique. En effet, en plus de l’outrecuidance avec laquelle le pouvoir défie le texte explicite de la Loi fondamentale s’agissant des dispositions portant amendements constitutionnels, celui-ci a chargé ses théoriciens « juristes » d’affirmer, ouvertement et sur les ondes des médias officiels, qu'il n'y a pas d’article verrouillé dans la Constitution et que l'article 38 donne au président un pouvoir absolu, supérieur à la volonté du peuple qui a voté la constitution et en a expressément fixé les procédures de révision. Il n’y a plus de caractère sacré des lois, car le pays vit déjà, depuis un certain temps, une campagne électorale qui viole les dispositions légales, lesquelles fixent le début, la durée et la clôture des campagnes électorales. Ces campagnes hors-la-loi servent d’occasion au pouvoir d’encourager, délibérément, toutes sortes de compétitions tribales, régionales et ethniques ; elles sont parrainées par ses ministres, son parti et ses hommes d'affaires, menaçant ouvertement la société et sa cohésion, tuant l'esprit patriotique et l’autorité de l'État et semant la discorde et la haine au sein des populations. Plus grave encore, le pouvoir, contrairement aux lois et règlements qui régissent l’institution militaire, engage certains chefs de l’armée dans ces campagnes tribales et politiques, faisant du zèle à y participer un critère déterminant pour l'appréciation des performances des gradés, plutôt que d'évaluer leurs compétences professionnelles, leur loyauté envers leur pays et leur abnégation dans l’accomplissement de leur devoir. Chaque jour, les grands titres de la presse nationale nous apprennent que tel général encadre telle initiative de soutien des amendements constitutionnels dans sa ville natale ou que les partisans de tel autre mobilisent en faveur de ces mêmes amendements. Cette campagne illégale et anticonstitutionnelle se déroule dans une atmosphère de raidissement et d’étouffement des libertés qui témoigne de la fébrilité et de la confusion du pouvoir. Ainsi, en plus de monopoliser les médias d’Etat – pourtant devenus des institutions de service public suivant la loi - et d’en faire les porte-voix de sa propre propagande, tout en privant l'opposition d’y accéder, le pouvoir étouffe toutes les voix qui se lèvent contre les amendements vomis et pourchasse quiconque exprime leur rejet, preuve de la fragilité de sa position politique et morale et de sa conviction que le peuple le rejette lui-même et rejette ses manœuvres insensées.