Salif M’Baré Diop - un lycéen résidant au 6e arrondissement -, qui n’a aucun antécédent judiciaire, est en garde à vue et dort parmi les délinquants et autres bandits de grands chemins dans une cellule du Commissariat d’El Mina 2, depuis le 18 janvier.
Comment ce garçon tranquille a-t-il pu se retrouver là ? La police qui le retient là met en avant une plainte émanant d’un garde qui était en patrouille au 6e arrondissement qui accuse Salif de s’être attaqué à sa personne.
Mais de leur côté, les voisins de l’adolescent crient de leur côté au scandale. Ils clament haut et fort que Salif n’a rien à se reprocher. A leurs yeux, le seul fautif est le garde qui est allé jusqu’à faire usage de son arme à feu. En fait, d’après les voisins en question, tout est parti du 17 janvier.
Le soir du 17 janvier Salif - tout comme d’autres jeunes - est interpellé et est sommé de monter dans un véhicule de la garde en patrouille au 6e arrondissement.
Etant donné qu’il n’était que 22 heures, l’adolescent refuse d’obtempérer, reçoit injustement une gifle de la part d’un garde. Il est secouru par un voisin, en l’occurrence El Hadj.
Une bagarre éclate, le garde - qui a administré la gifle à Salif - entre dans un état second et s’empare de son fusil pour faire feu. El Hadji réoriente le canon de l’arme vers le ciel et la balle tirée par le garde se perd dans le décor.
Salif décide alors de porter plainte et pour étayer ses allégations une photo de la douille provenant du fusil du garde est remise à la police. En effet, la douille a été retrouvée suite à d’intenses recherches menées par ses voisins qui logent tout autour du terrain dit Camara, un espace public du 6e arrondissement devenu célèbre parce qu’on y joue un tournoi qui attire du monde tous les ramadans. L’adolescent rentre chez lui espérant que le garde aura à répondre de ses fautes. Il n’en sera rien.
Le lendemain, mardi 18 janvier, c’est lui Salif que la police viendra chercher suite à une plainte déposée par le garde. Dans la plainte du garde, il est mentionné en substance que Salif en état d’ivresse s’est attaqué à un garde.
Et le parquet ? Que dit-il le parquet ? D’après des sources qui suivent l’affaire de près, le parquet a déclaré que la plainte de Salif est classée. Si cela est avéré, on peut dire que le parquet a déjà pris fait et cause pour le garde.
Le parquet aurait dû remarquer que la plainte du garde est en contravention d’avec la loi en vigueur qui veut que les plaintes émanant des éléments de force de sécurité contre des civils - ou émanant des civils contre les forces de sécurité - soient déposées non pas auprès des commissariats de police mais auprès de la brigade mixte.
Le préfet d’Elmina? Il semble être aux abonnés absents malgré la plainte que lui a adressée M’Baré Boubou Diop - le père de Salif - en date 18 janvier. Les voisins de Salif disent être en possession de la douille provenant de l’arme du garde et qu’ils refusent de remettre cette douille à la police.
Pourquoi agissent-ils ainsi ? Pour une raison simple : «Nous en avons ras-le-bol de rafles intempestives, nous n’allons pas livrer une preuve matérielle - à charge contre un garde - à une police qui ne nous inspire pas confiance».
En clair, ils veulent faire d’une pierre deux coups : ils aspirent à arracher le jeuneSalif des mains de la police mais aussi à mettre fin aux abus dont sont victimes les jeunes du 6e arrondissement de la part des forces de l’ordre qui raflent à tout-va dans les quartiers de la périphérie de Nouakchott. Une cause des plus nobles, mais qui malheureusement semble perdue d’avance.
SC