Les caisses pleines de l’État et la pauvreté pleine des populations

sam, 01/02/2016 - 18:28

A un journaliste inquiet de la situation de pauvreté de plus en plus accrue des populations, le président Ould Abdel Aziz a répondu lors de sa dernière sortie publique de Nouadhibou, qu’il ne disposait pas des bonnes informations. Pour le chef de l’État, jamais la Mauritanie ne s’est sentie mieux financièrement que sous son règne. Ainsi, pour le président de la République comme pour son gouvernement, les caisses de l’Etat sont donc pleines. Pourtant le quotidien des populations est des plus rudes. A quoi sert-il alors d’avoir des caisses pleines, des chiffres de croissance élevés si les populations crèvent la dalle et surtout quand aucun espoir de bien être, ne lui à l’horizon.

Il faut bien que les autorités le sachent : les Mauritaniens enfoncés dans la diète, espèrent voir leur quotidien changer. Matériellement s’entend. Ils espèrent aussi voir mises en place des infrastructures fiables et essentielles pour le développement équilibré de leur pays. Pas celles-là qu’on leur propose ces dernières années et qui ne sont jamais entièrement bâties. Ils veulent disposer d’infrastructures routières fiables, de canalisations, de réseaux d’assainissement, de services de base modernes, efficaces et fonctionnant selon les normes.

Les Mauritaniens ne veulent plus de discours creux. Ils réfutent la propagande. Ils souhaitent voir exploitées toutes les terres irrigables tout au long de la Valée, dans les palmeraies et les Oueds de notre pays, par des moyens modernes mis à la disposition des paysans qui y vivent afin qu’ils ne soient plus contraints à l’exode dans les grandes villes. Pour eux, l’agriculture, longtemps sabotée, doit désormais être effectivement valorisée par la rupture avec la honteuse politique de l’agrobusiness entamée depuis trois décennies.

Cette politique qui a déversé des milliards d’ouguiyas sur des bases de complaisance, de louche copinage et de clientélisme tribalo ethnique, a tué l’agriculture en Mauritanie. Des domaines ont été octroyés, sans raison, à des hommes d’affaires, à des administrateurs, à des officiers supérieurs, à des notables pour pouvoir soutirer l’argent au crédit agricole et aux banques.

Pourtant, la Mauritanie ne produit même pas plus de 0,75% de ses besoins en produits agricoles. Pour chauffer la marmite, nous sommes obligés d’importer du Sénégal, du Maroc ou du Mali, si ce n’est d’Europe, du Brésil ou de l’Asie du sud est. L’agriculture est le moteur de l’autosuffisance économique d’un pays. Un pays sans agriculture est une entité sans indépendance. Et les véritables agriculteurs, ce sont ces pauvres paysans laissés à eux-mêmes, matés par une administration dictatoriale et féodale qui attribue abusivement leurs terres à des Pachas qui ne pensent qu’à gonfler leurs poches.

En restituant à ses agriculteurs leurs terres et en leur donnant les moyens de les travailler, la Mauritanie revivra. Elle combattra le chômage, l’exode rural, l’immigration, souvent clandestine, qui tente des milliers de nos jeunes, sans perspectives chez eux. L’Etat est aujourd’hui en mesure de le faire. Il n’y réussira qu’en engageant une nouvelle réforme foncière plus juste, plus consensuelle et plus objective, car prenant en considération non pas les intérêts des lobbies, mais ceux de tous les Mauritaniens.

Les Autorités actuelles ne doivent pas être passives à l’égard des ressources disponibles. Elles doivent engager les grands chantiers économiques qu’attendent les Mauritaniens pour relancer l’économie, éradiquer tant soit peu la pauvreté, absorber le chômage, édifier des bâtisses dignes de ce nom pour l’Université, les ministères, les centres de formation, les instituts de recherche, les routes et la voirie dans la capitale.

Des contrats transparents et honnêtes doivent être signés avec des entreprises internationales de renommée pour les exécuter. Les entreprises « nationales », ou la plupart d’entre elles, nous ont habitués à un travail qui n’est jamais fait malgré les montants faramineux qu’elles encaissaient. Ou, si elles le réalisaient, la qualité et les normes n’y étaient pas.

Si les ressources dont parle le président de la République et son gouvernement, ne sont pas exploitées actuellement, nous courrons le risque de voir cette cagnotte tomber entre les mains de certains barons du système et de réseaux occultes qui gravitent autour du système. Et par crainte qu’ils n’en fassent ce que ceux qui les ont précédés ont toujours fait, dépensons cet argent. Usons de ces finances avant que les vautours ne s’en occupent.

Amar Ould Béjà

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