Il est reconnu qu’une fois à leur apogée, les régimes totalitaires se distinguent par la planification des mobiles de destructions massives, de leur exécution et de leur justification. S’ensuivent alors les stratégies de propagande, instillant dans la conscience collective l’idée que les crimes ne pouvaient être évités. Mentir au nom de l’Etat pour décimer au nom de ses intérêts.
Prétendre que ce fût le destin de victimes de mourir atrocement. Ils sont donc les dépositaires de la barbarie. Et lorsqu’ils sont rattrapés par l’histoire, ils s’évertuent à la falsifier pour en effacer les pages les plus sombres.
Ainsi leur ouvrage consistera à faire disparaitre les preuves, notamment en brûlant les rapports confidentiels et objectifs, en écartant les témoins ou en provoquant la paupérisation des victimes. Dans les années 90, telle fût la réaction de Maouiya Ould Sid’Ahmed Taya après avoir reçu sur son bureau un rapport complet et impartial incriminant des hauts officiers de crimes contre l’humanité. Il n’a daigné donner une suite favorable à la poursuite des tortionnaires.
Les autorités sous le poids de l’influence des tribus, des oulémas et des collaborateurs ont préféré leur accorder l’amnistie et blanchir les coupables par la loi 93-23. C’est cette impunité qu’entretiennent encore les autorités mauritaniennes.
Mais les faits sont têtus… Depuis, les caresseurs d’hier sont devenus les dirigeants aujourd’hui. Aziz, ex-chef de la garde rapprochée, aidé par une horde de tortionnaires, occupe la magistrature suprême. Qu’y-a-t’il de mieux pour un criminel que d’être protégé par le chef des forces armées en personne ? Ils l’ont porté au pouvoir, ils l’y maintiennent.
C’est cette oligarchie militaire qui fait et défait nos hommes d’Etat jusqu’à ce Dieu en décide autrement. Comprenez par là que ce n’est pas lui qui réglera le dossier du passif humanitaire.
Libre à lui d’être complice ou complaisant et de souffrir d’un manque de courage sur ce dossier, mais il n’est pas tenu de considérer les victimes et les défenseurs des droits de l’Homme pour des abrutis en développant un argumentaire à la fois stupide, infondé, inconséquent et insultant. Car l’actualité encore toute fraîche est là pour le mettre face à ses contradictions.
Monsieur le président, si à vos yeux le rappel des pendaisons et des fosses communes d’Inal attise et incite la haine, où placeriez-vous la bataille fratricide d’Oum Tounsi en 1932, laquelle continue encore de déchirer certaines tribus du Nord avec celles du Trarza ?
Occulter le fait que cette bataille oppose deux pans de notre communauté nationale pour se focaliser sur Inal n’est rien d’autre qu’une insulte faite à la mémoire des martyrs, des rescapés, de leurs familles et des organisations des droits humains.
Somme toute, c’est un propos irresponsable de la part d’un Président de la République. Un chef d’état doit être unificateur. Certes il eût effusion du sang en 1932 à Oum Tounsi sous l’instigation des colons français, mais le 28 Novembre 1990, des officiers noirs furent froidement pendus par leurs frères d’armes sous l’ordre de l’Etat mauritanien.
Mohamed Ould Abdel Aziz dit que : « l’évocation de la question du passif humanitaire après les solutions trouvées avec les ayants-droits n’est qu’une manière d’inciter à la haine et à la division ». Or, quelques jours auparavant,Mariem Daddah, celle qui fût la première dame de toute l’histoire mauritanienne, l’avait appelé à la raison.
Le nom du nouvel aéroport de Nouakchott divise puisque rappelant une rude bataille opposant « des résistants et des collaborateurs », tous fils de la nation mauritanienne.
Aujourd’hui encore, les gens du Nord et du Trarza s’invectivent sur cette bataille fratricide.
Le père fondateur de la Mauritanie méritait que son nom baptise l’aéroport international de Nouakchott au même titre que Charles De Gaulle, Léopold Sédar Senghor ou Atta Turk… Et comme Oum Tounsi divise, puisqu’il s’agit du sang maure qui a coulé au nom d’une nation colonisatrice, pourquoi les pendaisons d’Inal perpétrées par des officiers mauritaniens suscitent-elles toujours l’ire du Rais ?
C’est qu’en réalité, Inal pose un cas de conscience à tous les tortionnaires et leurs soutiens civils et politiques, à leur tête Mohamed Ould Abdel Aziz. Inal symbolise la déchéance de l’armée mauritanienne puisque les exactions impliquent directement des hauts officiers qu’Aziz ne cesse de couvrir de décorations.
Au lieu de poser un geste symbolique en allant se recueillir sur les fosses communes, briser le rideau de fer plombant ce dossier, revoyant le pseudo-règlement, autrement dit le marchandage du passif humanitaire, le président a préféré persister dans le déni.
Il faut rectifier le tir en ordonnant en premier lieu une enquête indépendante sur le soi-disant règlement dans lequel des veuves ont été bernées, établir les faits exacts, procéder à des réparations et enfin construire un mémorial à Inal.
Toujours dans cet esprit de refus de la vérité, quelques heures avant son insultant propos, des policiers étaient déployés à Sebkha pour intimider et brutaliser les rescapés, les veuves, les orphelins et leurs familles regroupés pour rendre hommage pacifiquement à leurs martyrs dont la mémoire est jusqu’ici torpillée. Les policiers ont été hués par les veuves et tenus en respect par des jeunes.
A Nouadhibou, le président et ses officiers bourreaux et tortionnaires ont ordonné le défilé à quelques kilomètres d’une « une nappe de sang noir » selon les mots du colonel Omar Ould Beibacar. Ce dernier a été arrêté au siège de l’Ajd/mr pour avoir rappelé à Aziz les assassinats des militaires noirs. Il ferait mieux de lire le rapport que celui-ci lui a remis sur les exactions et des solutions objectives à prendre.
Tant qu’il n’y aura pas une commission « vérité, justice et réconciliation », il n’y aura pas de fête nationale consensuelle et patriotique. Mais pour cela, il faut un président courageux, transparent et impartial.
Ça sera peut-être sous une autre ère que celle de Mohamed Ould Abdel Aziz. Autrement, le 28 novembre à défaut de réconcilier les mauritaniens portera toujours le sceau du deuil, de la division et de l’humiliation.
Bâ Sileye
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SOURCE: rmi-info.com