Le Forum National pour la Démocratie et l’Unité (FNDU) vient de décliner l’invitation à prendre part au dialogue que le pouvoir entend organiser ce 20 Octobre. Une réponse qui ne surprend personne, dans la mesure où le FNDU ne faisait planer la moindre ombre de doute sur sa position de boycott de ce qu’il considère comme un monologue.
Dans sa réponse au Premier ministre, le FNDU réitère d’abord sa disposition au dialogue, rappelle les différentes expériences qu’il a vécues avec le pouvoir et qui, indique-t-il, « ont toutes échoué », à cause du « manque de sérieux et de franchise du gouvernement ». Déjà surpris par la convocation des journées préliminaires de concertations pour un dialogue inclusif, alors que des échanges préparatoires étaient en cours, le FNDU continue à douter de la « sincérité » du gouvernement et exige, pour aller à la table de négociation, le retour au processus d’Avril-Mai.
Un niet intervenant en pleine tractations enclenchées par Abdessalam ould Horma, le président de la Convergence pour l’Unité et la Pacifique Alternance Démocratique (CUPAD). Des tractations qui visent à rapprocher les positions du pouvoir et de l’opposition, après le boycott de la CUPAD et sa demande de report des journées préliminaires de concertations pour un dialogue inclusif que le gouvernement a organisées unilatéralement en Septembre dernier. Consciente qu’un dialogue sans l’opposition ne saurait mettre fin à la tension politique qui habite la Mauritanie, depuis le putsch, en Août 2008, contre Sidi ould Cheikh Abdallahi, la CUPAD tente de sortir le pays de l’impasse, en conviant le pouvoir et le FNDU à se parler. Même si ses premières déclarations laissent apparaître un certain optimisme, l’initiative du président de la CUPAD n’aurait, de l’avis des observateurs et des acteurs politiques, que de maigres chances de prospérer. D’abord, parce que rien ne laisse présager que le gouvernement revienne sur son agenda issu des journées de concertations, ni qu’il donne, au président de la CUPAD, la moindre des « mesures de confiance » que réclame l’opposition depuis belle lurette. Ensuite, parce que le FNDU reste cramponné sur sa position, exigeant la reprise du processus enclenché avec le pouvoir en Avril et Mai derniers. Seuls les documents échangés, à l’époque, entre les deux parties doivent, de l’avis du FNDU, servir de base de discussions préparatoires à tout dialogue.
Autre interrogation, la CUPAD semble divisée quant à sa démarche. A en croire certaines informations, sinon rumeurs, le président de l’APP, Messaoud ould Boulkheïr, un des poids lourds de la coalition, ne serait pas partant pour un dialogue sans le FNDU. Celui-ci venant de mettre fin à tout suspens en la matière, on voit mal comment sortir de l’ornière… Quant au gouvernement, il reste assez discret sur les préparatifs de « son » conclave.
Les commissions de l’UPR
De son côté, l’UPR, principal parti de la majorité, a pris les devants en mettant en place cinq commissions pour préparer le « dialogue ». Dié ould Sidaty préside la commission du dossier politique, Khadijettou Mamadou Diallo hérite du dossier social, le dossier culturel et éducatif échoit à Oumar ould Matalla, celui de l’économie à Sidi ould Zeïn et, enfin, la société civile et le volontariat sera dirigé par Fatimata Bass. Une chose est au moins sûre : en mettant en place ses commissions, l’UPR prouve qu’il ne donne aucune chance aux tractations en cours. On se demande, de surcroît, ce qu’il reste de la majorité présidentielle. Où sont passé les autres partis ? Certains de leurs responsables n’avaient de cesse de dénoncer l’hégémonie de l’UPR. On ne les entend plus et celui-ci paraît simplement engagé à leur imposer de prendre tous le train en marche.
Dialoguer pourquoi ?
Résoudre les problèmes qui se posent à un pays : tel semble la finalité de tout dialogue politique. Mais quels problèmes ? Si l’économie, le social et le culturel mériteraient un attention particulièrement soutenue, on s’obnubile beaucoup, en Afrique, a fortiori donc, chez nous, sur le politique, et, depuis les accords de Dakar, nos spécialistes en la matière n’ont eu de cesse de privilégier le contentieux politique hérité de « l’alternance par la force » du 6 Août.
De ce fait, le dialogue politique en Mauritanie doit apporter, en plus des propositions concernant l’unité et la cohésion de la Nation, des solutions concrètes afin que la plus grande part possible de l’opposition puisse reprendre place dans les institutions démocratiques que sont les mairies et le Parlement. Cela exige la refondation de toutes les structures de gestion des élections (CENI, ANRTPS) et, surtout, leur transparence, ainsi que l’indépendance des Cours constitutionnelle et suprême, la neutralité de l’administration et de l’armée, etc.
Le dialogue politique de 2011, entre le pouvoir et trois partis de l’opposition, a apporté, il faut le reconnaître, une éclaircie sur certaines questions nationales. Nous disposons, par ailleurs, d’un bon arsenal juridique sur la question de l’esclavage, ce qui ne l’empêche pas de rester une grosse pomme de discorde entre le pouvoir et les organisations de défense des droits humains. Car le manque d’application effective, par le pouvoir, tant des recommandations du conclave de 2011 que des dispositions légales criminalisant l’esclavage n’a cessé d’interroger et reste une grosse entrave à la bonne gouvernance du pays.
Contrairement aux dialogues politiques précédents, notamment celui de 2011, les journées préliminaires de concertations, très proches d’états généraux ou de conférences nationales, n’ont omis quasiment aucune question nationale mais… sans une partie notoire des Mauritaniens que le gouvernement semble avoir, à dessein, écartée du jeu. N’ayant pas, non plus, clairement explicité ses attentes, il laisse se développer nombre de supputations : on le suspecte ainsi de préparer une consultation populaire pour modifier la Constitution, afin d’offrir troisième mandat, sur un plateau, à l’actuel président. Une situation à l’instar exact du référendum convoqué, au Congo, le 25 Octobre prochain, pour se prononcer sur une nouvelle Constitution visant à permettre, au président Sassou, de rempiler une nouvelle fois, et que l’opposition congolaise qualifie de « coup d’Etat constitutionnel ». A ces « allégations », le pouvoir n’apporte pas de réponse, certains de ses responsables se contentant d’affirmer que le président respectera la Constitution qui limite les mandats à deux.
En fin de compte, monologue dialoguiste ou poursuite des tractations de la CUPAD ? Face à l’attitude suspecte du pouvoir, certains jugent inopportune toute discussion avec lui : pour eux, le Président, réélu en 2014, doit gouverner avec la majorité dont il dispose jusqu’au terme de son mandat. Quant à l’opposition, il lui faut se focaliser sur 2019 et se préparer pour une alternance par les urnes. Tel leur paraît l’unique et gros défi à relever, face à un pouvoir qui n'a pas abattu toutes ses cartes.
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