INTERNATIONAL - L'ancien président islamiste Mohamed Morsi a été condamné à 20 ans de prison ce mardi 21 avril plus de 20 mois après sa destitution par l'ex-chef de l'armée et actuel président Abdel Fattah al-Sissi.
Il s'agit de la première condamnation contre le dirigeant islamiste, destitué et arrêté en juillet 2013 par l'armée à la faveur de manifestations monstres réclamant son départ, au terme d'une année tumultueuse au pouvoir.
Sa peine de prison correspond à son implication dans l'arrestation et des tortures sur des manifestants durant son mandat. Il a en revanche été acquitté du chef d'incitation au meurtre de deux manifestants et d'un journaliste lors d'une manifestation devant le palais présidentiel en 2012, pour lequel la plupart des observateurs s'attendaient à ce qu'il soit condamné à mort.
Douze autres accusés au côté de Mohamed Morsi, essentiellement des responsables de sa confrérie des Frères musulmans et de son gouvernement d'alors, ont été condamnés à 20 ans de prison pour les mêmes chefs, avoir "usé de la violence, fait arrêter et torturer des manifestants". Deux autres ont écopé de 10 ans de prison. Les 15 accusés ont tous été acquittés des chefs de meurtre, un verdict qui apparaît comme relativement clément au regard des peines capitales prononcées systématiquement dans d'autres procès contre les principaux dirigeants de la confrérie islamiste de Mohamed Morsi.
Nouveau coup pour l'opposition islamiste
L'ex-président, jugé au total dans cinq affaires, notamment pour espionnage et évasion de prison durant la révolte de 2011 qui chassa le raïs Hosni Moubarak du pouvoir, va faire appel de ce jugement a annoncé son avocat.
Dénonçant une justice "instrumentalisée" par les autorités dans leur "lutte contre la légitimité populaire et révolutionnaire, symbolisée" par Mohamed Morsi, la confrérie des Frères musulmans, dont est issu l'ex-président islamiste, a appelé à manifester sans discontinuer dès mardi.
Symboliquement, sa condamnation représente un nouveau coup pour l'opposition islamiste, déjà la cible d'une répression sanglante qui a décimé ses rangs. Car depuis l'éviction de Mohamed Morsi, policiers et soldats ont tué plus de 1400 manifestants islamistes et emprisonné pas moins de 15.000 autres. Des centaines ont également été condamnés à mort dans des procès de masse expéditifs, qualifiés par l'ONU de "sans précédent dans l'Histoire récente" du monde.
La volonté d'éliminer les Frères musulmans
Le régime d'Abdel Fattah Sissi, qui jouit d'une popularité indéniable au sein d'une population lassée par quatre années d'instabilité politique, est considéré par les organisations internationales de défense des droits de l'Homme comme bien plus répressif que celui d'Hosni Moubarak. Le maréchal à la retraite n'a d'ailleurs jamais caché sa volonté d'éliminer les Frères musulmans. La confrérie a été classée "organisation terroriste" par les autorités, qui l'accusent d'être derrière les attentats quasi-quotidiens visant les forces de sécurité.
L'organisation, qui a remporté toutes les élections démocratiques organisées entre 2011 et la chute de Mohamed Morsi, nie avoir recours à la violence. Les attentats sont généralement revendiqués par des groupes jihadistes qui disent agir en représailles à la répression.
Et dans un pays sous la férule de l'armée depuis des décennies, le coup de force de d'Abdel Fattah Sissi a marqué la fin d'une parenthèse démocratique ouverte avec le soulèvement de 2011. Aujourd'hui, même les mouvements laïcs et de gauche --fers de lance de la révolte anti-Moubarak qui ont aussi soutenu l'éviction de Mohamed Morsi-- ne sont pas épargnés par la répression.
Parallèlement, le prédécesseur de Mohamed Morsi, Hosni Moubarak, condamné à la prison à vie en première instance, a récemment bénéficié en appel d'un abandon des accusations de complicité dans le meurtre de centaines de manifestants durant la révolte de 2011. Et il a été acquitté, comme ses deux fils et des caciques de son régime, dans des affaires de corruption.