La question des langues constitue une problématique très complexe et un enjeu très important en Mauritanie. Cette complexité est liée non seulement à la diversité des langues maternelles mais également à la question des langues écrites. Une dualité qui crée une véritable instabilité linguistique qui se manifeste surtout dans le choix de la langue officielle.
Après l’indépendante en 1960, l’arabe était la langue nationale, mais le français était la langue officielle de la Mauritanie. Cette prééminence du français sur l’arabe n’était pas bien acceptée par la communauté maure qui considère cela comme un signe d’aliénation culturelle. Il fallait donc faire en sorte de renforcer la langue arabe qui est la langue nationale et la langue du coran.
Ainsi, en janvier 1966 fut promulgué un décret rendant l’arabe obligatoire pour tous dans l’enseignement secondaire. Cette décision entraina une grève des élèves négro- mauritaniens qui voient dans l’arabisation une mesure susceptible de les pénaliser aux examens et dans leur accès à la fonction publique.
Cette mesure a certes permis de renforcer la place de la langue arabe en ce temps, mais elle n’a pas pu égaler le français. Toutefois, à la fin des années 70, l’arabe connaitra un progrès considérable et, petit à petit, elle va passer du statut de langue nationale au double statut de langue nationale et officielle, c’est à dire la langue de fonctionnement du système politique, la langue de scolarisation et des médias (Constitution de 1991).
Toutefois, cette politique d’arabisation a été toujours perçue très négativement par les populations négro mauritaniennes qui voient en cela une certaine assimilation culturelle. Cette divergence entre maures et noires a abouti à la création dans les années 80, de deux filières scolaires : les enfants pouvaient s’inscrire soit dans la filière arabe, soit dans la filière bilingue. Cette école dans des classes séparées a été à contribué largement à la dissension sociale et cultuelle de la nation mauritanienne.
Par ailleurs, le renforcement de l’arabisation au niveau de l’enseignement et de ses débouchés, a agrandit le mécontentement des communautés négro- mauritaniens qui commencent à poser le problème des autres langues nationales et de leurs statuts. Ils ont commencé à réclamer l’ouverture d’une filière en langues nationales où chaque enfant suivra un enseignement dans sa langue maternelle (arabe, pulaar, soninké et wolof) et apprendra dès le primaire la langue d’une autre ethnie. Cette revendication a abouti à la création en 1979 de l’Institut des langues nationales chargé de préparer la mise en pratique de cette réforme. En octobre 82, 12 classes expérimentales, fonctionnant dans les trois langues nationales, sont ouvertes. Mais en 85, à la fin de cette phase d’expérimentation, la réforme prévue n’est pas encore mise en place et le collège n’est pas prêt à accueillir les 1184 élèves qui sortaient du primaire.
Cette situation était d’autant plus déplorable que, les spécialistes sont tous unanimes aujourd’hui à reconnaître que les langues maternelles des enfants constituent non seulement des facteurs d’amélioration des performances des élèves et de la qualité de l’éducation mais aussi des facteurs de renforcement de la solidarité entre les communautés. Elles favorisent l’émergence du multilinguisme, source d’équilibre et d’ouverture aux autres langues et cultures. Les langues nationales peuvent également servir de tremplin pour la formation des adultes et l’éducation des enfants déscolarisés.
Quoiqu’il en soit, les négro-africains, se sont vite rendu compte que cette prétendue réforme qui devait introduire les langues nationales, dans l’enseignement et la formation, était plutôt destinée à détourner l’attention de l’enseignement en français. Ce faisant, ils ont continué à revendiquer la révision du statut de ces langues nationales et en 1991 la constitution confère à ces langues le statut de langues nationales. Cette décision est certes un acquis considérable mais elle n’a pas permis de changer de manière significative leur statut.
La dernière réforme de 1999 qui consacre le bilinguisme dans l’enseignement semble plus répondre à l’impératif d’unité nationale et de paix civile tant menacé dans le pays. Elle a réconcilié les différentes composantes mauritaniennes entre elles. Elle marque le retour à un enseignement unifié, pour tous les enfants mauritaniens. Le caractère unificateur de cette réforme est porteur d’espoir. Elle est perçue comme une avancée très positive pour les mauritaniens qui souhaitent voir s’apaiser les tensions ethniques qui ont longtemps gangrené la Mauritanie.
Ce souhait est d’autant plus justifié que la question des langues a toujours suscité des réactions passionnées et, au lieu de rester un simple problème d’éducation elle s’est transformée en un problème identitaire et ethnique, entretenu par les courants nationalistes du pays. Une guerre d’idées et d’orientations dont la seule perdante est la nation mauritanienne dont l’unité et la stabilité ont été plus jamais mises à l’épreuve.
Jusqu’à nos jours, la Mauritanie n’a pas encore réussi à définir une politique linguistique consensuelle, vu le caractère sensible de la question. Néanmoins, il appartient au peuple mauritanien de prendre conscience de l’urgence et de la nécessité de sauvegarder son unité et sa cohésion, seules gages de paix, de liberté et de stabilité. Cela est d’autant plus urgent que notre sainte religion nous enseigne les nobles principes de fraternité, de solidarité et de tolérance. Les mauritaniens doivent penser à l’alternative islamique comme solution aux problèmes socio- culturelles dans le pays. Cette alternative islamique qui a unie un jour Aboubakr l’Arabe, Bilal, l’Ethiopien, Souhayb, le Romain, Salmân, le Perse sous une même tente, la tente de l’islam est la seule habilité aujourd’hui à unir les mauritaniens dans la paix et la stabilité.
Députée
Aminata Niang