Initiative de Messaoud : La Majorité sous pression

lun, 01/26/2015 - 15:25

La Coordination de l’opposition démocratique (COD) a remis sa réponse à l’Initiative de sortie de crise du président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir. Sans qu’on sache vraiment la nature de cette position sur une question aussi essentielle que celle des propositions d’un homme considéré aujourd’hui par la majorité des Mauritaniens comme un « sauveur », on peut dire que la COD a bien manœuvré.

   

L’opposition au pouvoir du président Mohamed Ould Abdel Aziz a compris, un peu trop tard certes, que le « rahil » (départ) qu’elle a appelé de tous ses vœux durant plus de deux ans, est une hypothèse de travail qui couteuse en temps et en crédibilité. L’enjeu pour elle, durant les prochains mois, sera de gagner l’estime de la Coalition pour une convergence pacifique (CAP) appelée à jouer un rôle d’arbitre dans une scène politique sortie de la traditionnelle Bipolarité par l’émergence de plusieurs pôles comme celui de la Convergence patriotique, qui vient de claquer la porte de la Majorité. 
  
C’est dans ce cadre qu’il faut situer le nouvel empressement de la COD à remettre sa réponse au groupe dit de « soutien à l’initiative de Messaoud ». De la sorte, elle « se lave les mains » d’une situation de léthargie qui peut encore durer le temps qui sépare d’élections qui doivent quand même se tenir un jour. 
Pour bon nombre d’observateurs donc, la COD a fait le bon choix en répondant favorablement – ou presque – à l’initiative du président de l’Assemblée nationale. De la sorte, elle met la pression sur les partis de la Majorité, et plus encore sur le président Mohamed Ould Abdel Aziz, qui ne voudrait pas perdre un allié aussi précieux que Messaoud, en ignorant ses propositions de sortie de crise. Le camp présidentiel, dans sa lutte sans merci contre la COD, a perdu cette première manche autour de l’initiative du président de l’Assemblée nationale dont les soutiens ont adressé leurs remerciements à la Coordination pour la réponse donnée et appelle la CPM à en faire de même. 
Cependant, rien n’est encore joué. La stratégie du pouvoir se dessine de plus en plus. Pressé d’organiser des élections qui ont pris un sérieux retard, le gouvernement semble jouer serré pour les regrouper toutes entre fin 2013 et début 2014. Pour l’instant, il observe les « transformations » de la scène politique nationale et opère les réglages nécessaires, aussi bien au niveau du parti au pouvoir que dans le débauchage des cadres des formations adverses. Une stratégie qui ne date pas d’aujourd’hui et qui doit, en toute logique, prendre pour cible les partis qui viennent de sortir de la majorité présidentielle. Déjà, Ould Abdel Aziz a appelé à ses côtés trois ténors du parti Adil (Yahya Ould Sidi Moustaph, Sidney Sokhna et Sidi Ould Khlifa). Il y aura ensuite le fameux cycle des réalisations « « circonstanciées » et des visites à l’intérieur du pays pour raviver la flamme des soutiens au « président des pauvres », de lutte contre la gabegie et de « changement constructif ». Même si l’on sait que ce discours-là aura  du mal à prendre avec le retour en vagues successives des soutiens de l’Ancien Régime.

   

On a donc toutes les raisons de penser que la  vraie bataille pour le pouvoir a commencé autour des réponses qui seront données à l’initiative de Messaoud. Alliances et contre-alliances se nouent – et se dénouent – à l’image du ralliement du maire de Djiguenni à l’APP et de celui d’Aoujef à l’UPR dans une sorte de vases communicants et d’intérêts politiques et matériels liés aux prochaines élections. Les dispositions constitutionnelles prises pour empêcher la « saignée » des partis politiques n’empêcheront pas la transhumance politique due plus maintenant à des considérations personnelles qu’à des rivalités entre groupes et communautés au sein de cet espace clos que sont les moughataas et les wilayas. 
Au sein même des coalitions, la donne pourrait changer. La CP est maintenant dans l’opposition mais rien n’empêche d’autres partis de faire le chemin inverse. Par exemple, une situation de parfaite entente entre la COD, la CP et l’APP pour une reprise du dialogue, sur des bases plus larges, mettra dans l’embarras le parti « Al Wiam » qui s’est toujours montré réticent à un retour sur les accords avec le pouvoir. De là à penser qu’il pourrait reprendre la place de la CP au sein de la CPM, il n’y a qu’un pas qu’on ne se hasardera pas pourtant à franchir à l’heure actuelle. Parce qu’en dehors de cette différence d’appréciation entre Messaoud (dont l’initiative prône une plus grande ouverture sur la COD) et Boydiel (qui ne rate aucune occasion pour louer le dialogue passé entre le pouvoir et l’opposition « participationniste »), les deux leaders haratines sont considérés aujourd’hui comme les pièces les plus importantes d’un puzzle dont la reconstitution ne sera achevée qu’avec l’organisation des élections tant attendues. 
 Jiddou Hamoud 
 Source: elqalima.net