Constitution en Afrique : à qui profitent les révisions ?

lun, 06/06/2016 - 14:54

L’Afrique n’a pas besoin des hommes forts mais plutôt des institutions fortes pour promouvoir la démocratie et la bonne gouvernance. Le tripatouillage des constitutions est devenu un sport favori des gouvernants. Le parti au pouvoir change les textes pour s’éterniser aux affaires. Aujourd’hui c’est plutôt le vent de la modification des constitutions qui ravage l’Afrique.

Constitution en Afrique : à qui profitent les révisions ?

Si en 1990 le vent de la démocratie avait soufflé sur le continent africain, aujourd’hui, c’est plutôt le vent de la modification des Constitutions qui ravage l’Afrique.

« Cette révision revêt une dimension importante dans l’évolution du constitutionnalisme africain, non seulement parce qu’elle constitue un élément moteur, mais et surtout, parce qu’elle démontre certaines conceptions du pouvoir politique dans le continent tout entier », comme l’écrit l’enseignant – chercheur tchadien Adja Djounfoune.

Revenons sur quelques cas des pays africains qui ont déjà modifié leur constitution pour répondre à des besoins dont ils sont les seuls à connaitre les motivations. Que ce soit en Afrique du Nord, Est, Centre ou Ouest, ces pays ont tous un seul dénominateur commun :

« Modifier la Constitution pour s’éterniser au pouvoir ».

Quelques exemples :

Guinée : En Guinée –Conakry, la Constitution a été modifiée en 2002 dans l’intention d’autoriser le feu Président Lansana Conté à se représenter, à la fin de second et dernier mandat aux élections présidentielles.

Tchad : La Constitution du Tchad a été modifiée en 2005 et a permis à Idriss Deby Itno à se maintenir au pouvoir depuis son coup d’Etat de 1990.

Mauritanie : En Mauritanie, la modification de la Constitution en 1991 a permis à OULD TAYA de rester au pouvoir à son renversement par coup d’Etat en août 2005.

Burkina Faso : Par un subtil jeu de levée de la limitation de mandats en 1997, puis en de restauration de cette limitation en 2000, Blaise Compaoré est resté au pouvoir depuis son coup d’Etat de 1987 avant de se faire chasser par son peuple en 2013.

Tunisie : En Tunisie, la Constitution a été modifiée également en 2002 pour permettre au président, Zine ben Ali de se représenter à l’élection présidentielle de 2004 qu’il a remporté pour un quatrième mandat. Pourtant, lorsqu’il avait destitué en 1987 le premier président tunisien malade, Habib Bourguiba, 84 ans, il avait promis de mettre fin à la présidence à vie.

Togo : Au Togo, la constitution a été modifiée en 2003 et a permis à feu EYADEMA de se faire réélire pour un troisième mandat de cinq ans, au terme de 36 ans de pouvoir jusqu’à sa mort en 2005.

Ouganda : Modification en 2005 et maintien de YOWERI Museveni au pouvoir depuis sa victoire militaire contre le régime en place en 1986. Cameroun, en 2008 imaginez, vous-mêmes la suite (…).

L’inflation révisionniste :

Il est normal de reformuler les lois qui régissent le peuple. La Constitution française de 1789 le postulait  «  la nation a le droit imprescriptible de changer sa Constitution » ?

En se basant sur ce pouvoir de révision selon les circonstances et les intérêts de toutes sortes, les pouvoirs africains ont, à souhait, procédé à des modifications constitutionnelles de telle sorte que les Constitutions africaines ont été atteintes d’une inflation révisionniste.

 

Cela est souvent justifié par la recherche constante d’institutions adaptées aux besoins et au niveau de développement tant économique, social que culturel.

Généralement, la révision tourne autour du statut du chef de l’Etat, de la dévolution, de l’alternance politique ; plus exactement elle porte sur la prolongation ou non du mandat présidentiel.

 

A ce niveau, deux tendances apparaissent :

 

La première, négative, se situe dans la trajectoire du renouvellement ou de l’allongement du mandat arrivé à terme au bout de deux mandats successifs ; la rééligibilité ne se faisant qu’une seule. C’est le cas du Cameroun, et bien d’autres pays africains.

 

La deuxième tendance, positive, se démarque par le jeu de l’abandon du pouvoir après l’exercice de deux mandats consécutifs, respectant l’esprit et la lettre de la Constitution. C’est le cas des présidents Konaré au Mali, Rawlings et Kufuor au Ghana, Yaye Boni au Benin et Nelson Mandela en Afrique du Sud.

Le respect des institutions et la bonne gouvernance doivent contribuer à l’amélioration des conditions de vie, les cadres sociaux et économiques au service du développement durable, de la lutte contre la pauvreté et de la sécurité humaine.

Sans le respect des droits de l’homme, sans le respect des droits démocratiques, rien n’y fera : il n’y aura ni développement ni unité nationale.

 

Source : un Citoyen libre